
(lavoixdesentreprises.info) – Dans sa casquette de Directeur Général de Stoneshed Asset Management, Mokom Ndi Ndzah, a récemment réalisé une analyse approfondie des finances publiques et des marchés camerounais. Dans cet entretien, le manager explore les enjeux du financement de la dette publique, l’importance des partenariats public-privé, ainsi que les perspectives d’un avenir économiquement prometteur pour le pays.
Mokom Ndi Ndzah, à la tête de Stoneshed Asset Management, fait preuve d’une lucidité remarquable en abordant la situation économique actuelle du Cameroun. Le pays doit faire face à des défis financiers majeurs, notamment en ce qui concerne la gestion de sa dette publique. Avec une dette représentant environ 45 % du PIB en 2024, alors que la moyenne pour l’Afrique subsaharienne est de 60 %, le Cameroun semble mieux positionné, mais le service de cette dette absorbe près de 30 % des recettes publiques. Cela limite considérablement la capacité de l’État à investir dans des infrastructures essentielles et des services sociaux. Sur les 12 000 milliards de FCFA de dette, 60 % proviennent de financements extérieurs, exposant le pays aux variations des taux de change et aux fluctuations des taux d’intérêt.
Néanmoins, Mokom Ndi Ndzah souligne qu’une dette n’est pas nécessairement problématique si elle est judicieusement gérée et orientée vers des investissements productifs. Pour y parvenir, il est impératif d’assurer une croissance économique qui dépasse l’accumulation de la dette. Pour optimiser la gestion du service de la dette, il recommande trois axes stratégiques. Premièrement, il propose de rééquilibrer la structure de la dette en favorisant des financements à long terme et moins coûteux. Bien que la dette extérieure puisse sembler attrayante, elle comporte des risques qu’il convient de surveiller. Deuxièmement, il insiste sur la nécessité d’améliorer la collecte des recettes fiscales tout en évitant d’étouffer l’économie. Actuellement, le taux de pression fiscale au Cameroun est d’environ 13 % du PIB, nettement inférieur à la moyenne de 20 % en Afrique. En augmentant la digitalisation fiscale et en luttant contre l’informalité, il est possible de générer des revenus supplémentaires sans augmenter les impôts. Enfin, développer un marché financier local plus actif permettrait à l’État de refinancer sa dette à des coûts réduits, étant donné que seulement 20 % de la dette publique est actuellement financée par des émissions locales.
Les partenariats public-privé (PPP) sont également une voie prometteuse pour stimuler l’investissement au Cameroun. Avec un besoin d’investissement dépassant les 10 000 milliards FCFA pour combler le déficit infrastructurel, les PPP offrent une solution pour réaliser des projets sans alourdir la dette publique. Des initiatives comme les routes à péage, des projets énergétiques ou l’extension des infrastructures portuaires témoignent du potentiel des PPP. Toutefois, pour attirer davantage d’investisseurs privés, le pays devra renforcer la transparence dans l’attribution des contrats et établir un cadre réglementaire stable.
Concernant les subventions, Mokom Ndi Ndzah souligne leur importance pour protéger les populations vulnérables et stabiliser certains secteurs. Cependant, ces subventions doivent être ciblées. En 2023, les subventions aux carburants et à l’électricité ont coûté près de 800 milliards FCFA, dépassant le budget de la santé. Une suppression brutale des subventions serait socialement difficile; il est donc nécessaire de transitionner vers des subventions plus efficaces, en concentrant l’aide sur les ménages à faibles revenus. De plus, il serait judicieux d’investir ces fonds dans des projets générateurs de richesse, comme l’agriculture industrielle ou les énergies renouvelables, réduisant ainsi la dépendance aux importations.
Sur la question de la privatisation, Mokom Ndi Ndzah défend l’idée que cette démarche ne doit pas se limiter à la cession d’actifs à des investisseurs étrangers. L’objectif devrait être de créer des champions nationaux capables de renforcer l’économie camerounaise. Les privatisations devraient être envisagées en priorité pour les investisseurs locaux afin de préserver la valeur ajoutée dans le pays. S’associer avec des entreprises étrangères peut également être bénéfique pour attirer expertise et technologies, tout en préservant le contrôle national.
Pour conclure, Mokom Ndi Ndzah exprime un optimisme fondé concernant l’avenir du Cameroun. Avec une économie diversifiée affichant un PIB de près de 45 000 milliards FCFA, une position géographique privilégiée et une population jeune dynamique, le pays possède des atouts majeurs. Les défis existent, mais les pays qui réussissent sont ceux qui transforment les obstacles en opportunités. Pour cela, il est crucial d’adopter une vision à long terme, d’améliorer la gouvernance économique, de dynamiser le marché financier et de favoriser les investissements privés.
Raphael Mforlem
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