(lavoixdesentreprises.info) – D’après le document de Programmation économique et budgétaire à moyen terme 2025-2027, le Cameroun s’engage dans une démarche audacieuse pour tripler sa production de riz d’ici 2027, passant de 140 710 tonnes à 460 000 tonnes. Cette initiative, soulève des questions quant à sa faisabilité dans un contexte de demande croissante.
D’ici 2030, l’Etat du Cameroun a pour but d’atteindre 750 000 tonnes de riz. Un objectif que s’il est atteint, pourrait considérablement améliorer l’autosuffisance alimentaire du pays, portant le taux d’autosuffisance à 97 %. D’après Investir au Cameroun, cette stratégie, adoptée en mai 2023, est soutenue par un budget conséquent de 385 milliards FCFA. Pourtant, les défis à surmonter sont nombreux. La demande nationale de riz, qui était déjà de 576 949 tonnes en 2020, dépasse largement les projections de production pour 2027, laissant entrevoir un déficit persistant d’au moins 110 000 tonnes.
Cette situation pose un défi majeur pour l’économie camerounaise. Malgré les efforts visant à augmenter la production locale, le pays continuera vraisemblablement à être dépendant des importations pour satisfaire ses besoins. En 2022, le Cameroun a importé 652 565 tonnes de riz, ce qui représentait 4,6 % de ses importations totales, un chiffre qui illustre la réalité de la dépendance actuelle. En 2021, les dépenses en importation de riz avaient même atteint 207,9 milliards FCFA.
Les conséquences de cette dépendance ne se limitent pas à l’économie, elles affectent également la politique commerciale du pays. L’importation de riz, exonérée de taxes depuis 2008 en réponse aux émeutes de la faim, est désormais soumise à un droit de douane réduit de 5 %. Cependant, cette situation a également conduit à des pratiques douteuses, notamment des circuits de contrebande vers le Nigeria, où le riz est lourdement taxé pour protéger la production locale. Les commerçants camerounais profitent ainsi de cette disparité pour réexporter du riz, une pratique qui pourrait coûter jusqu’à 87 milliards FCFA au Cameroun en 2019.
En outre, le Gabon et la Guinée équatoriale sont également des destinations pour ce riz réexporté, en raison des prix compétitifs sur le marché camerounais. Cette dynamique nuit non seulement à l’économie locale, mais complique également les efforts du gouvernement visant à renforcer la production nationale. La nécessité d’une stratégie claire et de mesures concrètes pour soutenir les producteurs locaux devient plus pressante que jamais.
Pour réussir à atteindre ses objectifs de production, le Cameroun devra non seulement investir dans l’infrastructure agricole, mais aussi encourager l’innovation et la recherche dans le secteur rizicole. Cela pourrait passer par la mise en place de programmes de formation pour les agriculteurs, l’accès à des semences de qualité et des techniques de culture modernes. De plus, une meilleure régulation des importations et une lutte contre la contrebande seront essentielles pour protéger les producteurs locaux.
En somme, l’ambition du Cameroun de tripler sa production de riz d’ici 2027 est un objectif louable, mais qui nécessite un engagement fort et des actions concrètes. La voie vers l’autosuffisance en riz est semée d’embûches, mais elle est également porteuse d’opportunités pour revitaliser l’agriculture camerounaise. L’avenir du secteur rizicole dépendra de la capacité du gouvernement à transformer cette ambition en réalité, en veillant à ce que les intérêts des producteurs locaux soient protégés et en réduisant la dépendance aux importations.
A.Y
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